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08.09 2023

« ôte de cette terre toute trace de souffrance »

J’aime l’Histoire et j’aime les histoires. Celle que je rapporte ici a résonné plusieurs fois à mes oreilles avant que j’intègre son message puissant et que la transmutation d’une blessure d’enfance puisse alors se réaliser. Elle est rapportée par Christiane Singer dans son livre « Rastenberg » et aussi lors de nombreuses interviews.

Voici ma version.

Au début des années 1990, un rabbin new-yorkais vint en conférence à Vienne, son pays de naissance dans lequel il n’avait plus remis les pieds depuis la fin de la guerre, à laquelle il avait survécu. L’occasion d’un colloque lui a permis de se rendre de nouveau sur cette terre qu’il avait fui. A la fin de sa conférence, lors de la séance de questions, une femme du public l’interpelle et lui demande « pourquoi avoir attendu si longtemps avant de revenir ici ? »

Alors, le vieux rabbin raconte : « lorsque j’étais enfant, j’ai été pris à parti par un groupe de jeunes nazis alors que je promenais un matin. J’ai été tabassé et laissé pour mort. Ce souvenir a laissé de telles traces de souffrance que je n’ai pas pu revenir sur les lieux de la blessure. Aujourd’hui ma vie est presqu’achevée. J’ai aidé ceux qui avaient besoin et notamment les jeunes des quartiers de New-York dans lesquels j’ai œuvré. Que reste-t-il à faire alors ?, me suis-je demandé. Et en repassant le film de ma vie, j’ai retrouvé les images de cette scène qui a marquée ma vie et j’ai su que je devais revenir et retrouver la partie de moi-même que j’avais laissé sur son pont. Ce matin, avant la conférence, j’ai retrouvé le lieu. J’ai retrouvé l’enfant que j’étais. Je l’ai pris par la main, je l’ai embrassé et nous sommes repartis ensemble. « viens, viens petit, lui ai-je dit, je t’emmène. Désormais tout est accompli, nous sommes libres, toi et moi. » Ainsi, il ne reste aucune trace de ma souffrance dans cette ville.

A l’âge de 5 ans et demi, ma route a croisé celle d’un homme qui m’a fait basculer trop vite dans le « monde des grands. » Je n’ai pas de souvenir d’avoir un jour reçu l’autorisation de pleurer, de nettoyer mon âme de cette blessure de l’enfance, de croire en la promesse d’une nouvelle vie, en harmonie avec ce qui est était en moi et à l’extérieur de moi. J’ai développé une force que j’ai masquée dans la sécheresse de mes yeux. Un feu brûlant, d’une impatience telle que je ne souhaitais qu’une chose : devenir adulte. Peu importaient les étapes d’une métamorphose pourtant nécessaire, je voulais aller vite.

En 2019, lorsque j’ai entendu l’histoire de ce rabbin, j’ai décidé de moi aussi nettoyer cette Terre de ma souffrance. Alors, je suis retournée sur les lieux du crime, dans une station thermale du centre de la France. Une amie chère m’accompagnait dans ce moment précieux. Nous avons d’abord cherché la liste de tous les lieux accueillants des enfants ouverts en 1988. Nous avons ensuite visité les lieux, cherché, questionné. Et puis, ce fut la dernière adresse que nous avions qui révéla mes souvenirs. La cour, la tour, le chalet.

Alors ce soir-là, moi aussi, j’ai pu recontacter la petite fille qui était toujours là, clouée au lit dont elle ne pouvait se lever et je lui ai dit « regarde, je suis là et j’ai grandi. Ce moment passera comme tous les autres et tu deviendras une femme, la femme que je suis. Je suis là pour te consoler, de chérir et te protéger. Tu vas y arriver parce que j’y suis arrivée et aujourd’hui, nous sommes libres de cette souffrance. »

Ce moment de connexion avec une partie de moi-même qui avait tant souffert, je l’ai récupéré pour ne laisser aucune trace de ma souffrance sur cette Terre. Et pour transmuter mes peurs en joies, je me suis laissée aller à la tristesse d’avoir perdu alors mon innocence d’enfant, j’ai compris d’où me venait l’activation de ma blessure d’injustice et j’ai pris soin de l’enfant qui étais encore en moi. Puisse chacun.e prendre la mesure de l’impact des lieux sur nos blessures et la puissance de la lumière lorsqu’elle baigne nos parts d’ombre.

Cet acte de résilience a été consolidé par la suite, notamment grâce au travail de pardon, à celui aussi proposé par les théories de l’enfant intérieur et par celui sur l’équilibrage des polarités. De plus, le travail de mémoire en lien avec notre passé, proposé par les constellations ont été une aide précieuse pour garder en lumière ces aspects. Car ce qui est révélé s’atténue.  Un vaste sujet qui pourra être développé le moment venu…